2021/05/05

QI'stres !...

... Ultracrépidarianisme, cuistrerie , … Incompétents ou des cons péteux ?

Le sujet que je vais aborder ici et l’objet de mes réflexions associées est sans doute en partie la cause de ce nouveau long silence sans article ni dessin. Je dirai qu’il m’a fallu beaucoup de temps avant de me rendre compte que ce qui me parasitait l’esprit depuis quelque temps se résume en quelques mots et est un sujet global qui gangrène notre société : l’incompétence et la surconfiance des temps modernes. À force de trainer comme tout le monde sur le net, je suis tombé sur une page parlant de l’effet Dunning-Kruger (DK), qui m’a fait découvrir le terme de surconfiance, ultracrépidarianisme et surtout de cuistrerie.

Tout ça pour évoquer un mal vicieux des temps modernes qu’est l’art de parler pour rien dire ou surtout de parler de sujet(s) qu’on ne maîtrise pas mais qui ne nous fait pas taire pour autant. Dit autrement, c’est le paradoxe d’être dans un domaine malheureusement trop incompétent pour ne pas savoir qu’on l’est.

Si c’était déjà vrai en 1999 quand Dunning et Kruger ont découvert ce fait, je vous laisse imaginer, vu la vitesse où vont les choses de nos jours, comment ce « mal » a pu se propager. Moi j’appelle ça la génération Wikipédia. Avant, c’était l’Encyclopédia (Universalis ; 30 volumes) qu’il fallait avoir pour pouvoir tout savoir, désormais (et j’en fais partie) en un clic on a accès à des pages +/- riches et corrigées sur quasiment tous les sujets. Et la résultante que ce soit avec Wikipédia ou toute autre vecteur d’informations (le pire étant les réseaux sociaux !), c’est qu’on se croit vite compétent sur le sujet et dans le pire des cas on « écrase » le spécialiste du sujet en bluffant les plus crédules que l'on maîtrise son sujet en en parlant avec aplomb non dissimulé.

Et de plus en plus, ça dépasse le niveau des connaissances tant selon moi ça atteint même le savoir vivre et la savoir être !!

Le risque avec cet effet est que le dénoncer peut déjà vous placer comme potentiel sujet d’une compétence qu’on se croit avoir. Me concernant je parle ici principalement par rapport à ce que je peux voir dans mon cadre professionnel et je me permets de l’étendre dans le cadre extraprofessionnel. Alors pour illustrer cela, j’aurai pu faire un dessin mais pour une fois j'en reprend juste un que j'ai trouvé adapté. 

Au début, je voulais illustrer la courbe ci-contre puis je me suis abstenu ... car je suis devenu même fatigué de dessiner ! Cette courbe est ultra répandue quand on parle de l’effet DK et représente la confiance en fonction de la compétence. Idéalement on pourrait imaginer que la théorie voudrait qu’on prenne progressivement confiance au fur et à mesure que notre expertise grandit dans un domaine. Or, schématiquement l’effet DK montre que globalement très rapidement dès que l’on s’intéresse à un sujet, on a tendance rapide à penser le maîtriser. Et si l’humilité de chacun était globalement suffisante, on se rendrait compte aussi vite que c’est une lubie et le niveau de confiance chuterait drastiquement. Les auteurs de cette étude DK parle de 3 stades sur cette courbe :

  • Le premier me plait particulièrement, c’est le pic ou la montagne de la stupidité. Il me plait car il me permet d’en sourire et non pas parce que je me plairai à juger stupide toute personne dans ce cas de figure. Car justement le piège est de penser que c’est ainsi qu’on juge ces personnes. On parle plus de stupidité par rapport au paradoxe de situation que par le simple fait que la personne soit stupide. C’est loin d’être une généralité en tout cas.
  • Le second, personnellement j’y suis malheureusement trop souvent présent, c’est la vallée de l’humilité. C’est là où tout comme Socrate disait « Je sais que je ne sais pas », les personnes se remettent un minimum en cause vis-à-vis de leur connaissance du sujet. Et cette vallée quand on y est peut vite devenir un piège dans lequel on a beaucoup de mal à se sortir. Dans le pire des cas, on se retrouve en plein dans ce que l’on appelle comme second effet DK le « syndrôme de l’imposteur ». C’est-à-dire que se sachant forcément inférieur à un expert absolu dans un domaine, on sait qu’on a encore à apprendre et on s’interdit presque à mettre en avant notre niveau d’expertise pourtant si durement atteint. Et là on est clairement dans l’absurdité absolue que l’on vit tous les jours :
    • les non ou peu sachants qui parlent beaucoup plus (trop) fort que ceux qui savent plus voire beaucoup plus.
    • Et pire la société actuelle a tendance à écouter plus naturellement ceux qui ont confiance parce que leur aplomb séduit et aussi parfois car le discours plus accessible de la personne qui « vulgarise » un sujet permet à celle qui l’écoute d’elle-même se rassurer sur sa capacité à comprendre le sujet. Et là, c’est un phénomène désastreux dans le milieu professionnel (et auquel je suis confronté de plein fouet), c’est que les managers ont tendance à plus écouter un discours moins technique et/ou positif d’un non-expert que le contraire. Donc les recrutements et promotions ont de plus en plus tendance à laisser la part belle à des personnes qui ont une connaissance inversement proportionnelle à leur niveau de confiance (voire d’arrogance). Et cela crée de la frustration qui ne fait qu’accentuer le fossé entre les experts et les autres. Voyez ce que la COVID a révélé comme situations absurdes de l’abruti lambda qui publie une vidéo où il parle comme si il s’y connaissait en virologie jusqu’au politique qui fait la girouette à mesure de prendre le discours de quiconque de soi-disant plus expert qu’un autre comme la vérité au sujet
  • Le dernier stade est le Graal absolu et l’atteindre est d’autant plus dur, c’est le plateau de la consolidation. C’est là que l’on a les « vrais » experts ! Mais quand on regarde le niveau de confiance atteint sur cette courbe à ce stade-là comparé à celui que l’on dépasse largement dans la première partie de la courbe, on mesure tout l’enjeu du problème

Personnellement je vois désormais de l’effet DK partout. Alors cet effet a toujours existé mais si à une époque on le voyait seulement au comptoir d’un bar ou à un repas de famille où l’oncle Marcel déblatérait sa théorie sur tel ou tel sujet, désormais les vecteurs de diffusion de l’information étant ce qu’ils sont, celle-ci n’a pas le temps d’être éventuellement corrigée voire tue qu’elle a atteint une part croissante de personnes de plus en plus à l’affut de discours ou actu « buzz » que cette source aliénatrice de potentiels fakes news produit. Au-delà de notre réel niveau de connaissances, c’est surtout notre manque de modération dans le flux de ce que l’on reçoit qui est devenu dangereux. On manque de discernement, de sens critique, de filtres, … ou plutôt on se penche de plus en plus sur de mauvais critères d’appréciation des choses qui sont amplifiés par cet effet DK. Je parlais que ce dernier intervenait aussi et désormais surtout sur le savoir-faire, -vivre, -être. Je suis obligé de prendre un raccourci mais quand on voit comment se perdent les valeurs essentielles à toutes relations humaines : de plus en plus de personnes (les jeunes en particulier) se retrouvent très vite à croire tout connaître de la vie, à se penser aptes à pouvoir manifester ses idées sans se rendre compte qu’elles sont à peine refroidies sortant du moule de l’éducation parentale (quand elle est présente !) ou qu’elles sont corrompues par les opportunistes de la manipulation médiatique moderne …

L’enjeu est de taille : comment inverser une tendance qui si on la pointe du doigt a vite tendance à nous stigmatiser comme de vilains petits canards arrogants alors que la plupart du temps on dispose du bagage d’humilité et de compétence qui devrait faire taire quiconque. Je fais ma propre autocritique aujourd’hui : j’ai un discours très sombre de beaucoup de choses du monde dans lequel on vit. Mais j’ai la prétention de me croire factuel quand j’expose cette réalité. Oui beaucoup de choses nous abrutit de nos jours, je ne dis pas que les gens sont tous des abrutis ! Oui on parle de pic de stupidité ici, ça ne sous-entend pas qu’on le soit foncièrement. On vit à portée de clics, dans un monde où les relations même amoureuses sont dématérialisées, où l’on nous administre sans vergogne des doses de plus en plus fortes de notre drogue/addiction que sont devenus les univers virtuels si facilement accessibles désormais.

Les critères manquent pour jauger ce genre de causes qui occasionnent pourtant tant de conséquences.

Je n’ai pas de solutions clé en main à tout cela. Mais je pense que la première phase d’une thérapie est déjà la prise de conscience du « mal ».


 


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